IMBRO GLIO pièce en un acte (et une scène) tirée de la bande dessinée du même nom*, de Lewis Trondheim *éditions l'Association, janvier 96, ISBN 2-909020-35-5 adaptation au théâtre de Jonas Richiardi PERSONNAGES Mylène : Anne-Loyse Joye Peter : Christian Baumann Charles : Jonas Richiardi Sergent Garell : Cédric Perreman TECHNIQUE Sébastien Baelde ACTE I, Scène première Intérieur rustique. de gauche à droite: un fauteuil, une petite table basse avec une boisson, un court escalier menant à une porte. En haut et à gauche de l'escalier, une patère avec un manteau. Une cheminée avec un feu, sur laquelle sont posés des pièces de vaisselle. Un meuble à alcool sur la droite de la cheminée. Un grand buffet à l'extrême droite de la scène. Charles et Mylène sont à gauche (Charles dans les bras de Mylène); Peter à droite, en veston-cravate, pointe un doigt accusateur vers Charles. PETER (haineux). - Vous croyez que je n'ai pas remarqué votre manège, Charles? Vous pensiez réellement que j'étais assez dupe pour ne pas voir que vous falsifiiez le registre comptable depuis la mort de Philips il y a trois mois? CHARLES (se détachant de Mylène, tendant par la lame une machette à Peter). - Restez calme Peter. Admirez plutôt cette splendide machette égyptienne que j'ai acheté hier. PETER (renfrogné, empoigne la machette). - C'est effectivement une très belle arme...(Il pose la machette quelque part. S'énerve à nouveau.) Mais je ne suis pas venu pour ça et vous le savez! (Il serre le poing.) Je veux que vous rendiez l'argent que vous avez détourné à la société et que vous démissionnez sinon je fais éclater le scandale. CHARLES (farfouillant dans son pull). - Vous ne ferez rien du tout, Peter. (Il sort un pistolet de sous son pull. Mylène est surprise.) Je peux vous l'assurer. PETER (les bras croisés). - Ne soyez pas ridicule... Charles tire trois coups sur Peter, atteint en pleine poitrine. Celui-ci s'écroule. MYLENE (choquée). - Mais enfin Charles...qu'est-ce qui t'a pris? CHARLES. - Je n'avais pas le choix Mylène. L'avenir de notre couple était en jeu...il aurait pu tout dévoiler et ça aurait été fini de notre vie actuelle...Je m'excuse pour ton coeur mais je n'ai pas pu t'avertir avant. C'était lui ou nous, tu comprends. MYLENE. - Mais!? Et la police? CHARLES (pose le pistolet sur la table basse). - Ne t'inquiète pas...ses empreintes sont sur la machette, nous dirons que c'était de la légitime défense. On dira qu'il voulait nous tuer parce que c'était lui qui dérobait les fonds de la société et que l'on voulait tout révéler. MYLENE. - Et il est vraiment mort? Elle récupère très discrètement le pistolet sur la table. CHARLES (s'agenouille et prend le pouls de Peter). - Trois balles dans le buffet, ce n'est pas une égratignure. PETER (Se relève brusquement, un poignard à la main. Il hurle.). - Et ça!? C'est une égratignure? Peter embroche Charles. CHARLES. - Ommgl. PETER (toujours en rage). - Et après...ce sera le tour de ta femme... MYLENE (terrifiée). - Non, je vous en supplie, je ne savais pas, je n'ai jamais voulu vous faire du mal. Hhh... PETER. - Je vais t'ouvrir le ventre, salope, et je vais te vider de l'intérieur... MYLENE (acculée). - Hhh...hh...non...hh...je vous jure que... PETER. - Je vais te charcuter comme tu n'imagines pas qu'on puisse charcuter un être humain. MYLENE (main crispée sur le coeur). - ...Hhh non...hhhh...hh... mon coeur... Mylène s'écroule. CHARLES. - J'ai toujours dit qu'elle avait le coeur fragile et qu'il fallait qu'elle arrête de s'exciter pour un rien...bel infarctus ma foi. Les assurances et l'héritage sont pour nous, il n'y a plus aucun doute. PETER (rengaine le poignard). - J'ai cru que son coeur ne lâcherait jamais. CHARLES (faisant route vers le meuble à alcool). - Tss...tu es d'un pessimisme...je te sers un verre? PETER. - Tu ferais peut-être mieux d'appeler la police, histoire qu'il n'y ait pas trop de temps entre son arrivée et la mort de Mylène. CHARLES (se sert à boire). - Je propose déjà qu'on se change...pas la peine de recevoir la police dans notre tenue. (Il boit.) Quant à moi, il va falloir que j'utilise un oignon pour pleurer. MYLENE (qui s'est relevée entre temps dans le dos de Charles). - Ton chagrin est très réconfortant, Charles. CHARLES (se retourne abasourdi). - Mylène!! Il repose son verre. MYLENE (au bras de Peter). - Peter m'a mise dans la confidence pour ta combine. Je n'ai pas voulu y croire jusqu'au dernier moment. Tu es vraiment abject, Charles. Abject et répugnant. CHARLES. - Bon sang!! Vous étiez de connivence tous les deux!?! MYLENE. - Plus que de connivence, mon ami... plus que de connivence... CHARLES (abattu). - Comme j'ai pu être naïf... MYLENE (sort le pistolet de Charles). - Et comme tu peux le remarquer, voici ton revolver...seulement cette fois il est chargé avec de vraies balles. CHARLES. - Mais!? Ne soyez pas idiots, vous allez être accusés de meurtre. Il tousse. PETER (avec un sourire cruel). - C'est vrai si on te tuait par balles mais c'est par empoisonnement que tu vas mourir. J'étais sûr que tu irais boire un verre après avoir tué Mylène. CHARLES (toussant de plus belle). - Krehh!! Non.. ça n'est pas possible..khh!! PETER. - Il ne te reste déjà plus que cinq secondes à vivre. CHARLES (suffoquant, les mains au col). - Je...hhh..hh. Il s'écroule, les mains crispées sur son col. MYLENE. - Quel être ignoble... PETER. - Nous voilà enfin libres Mylène...depuis le temps que nous attendions ce moment. MYLENE. -Depuis le temps que "tu" attendais ce moment. PETER. - Comment ça? MYLENE (pointant le pistolet vers Peter). - Je te remercie de m'avoir débarrassée de Charles. Maintenant je n'ai plus besoin de toi. PETER. - Mais!! Mylène! MYLENE. - Adieu Peter, il faut bien que je tue l'assassin de mon mari. PETER. - Non...il y a sûrement un moyen de s'arranger. MYLENE. - Il n'y a qu'un seul moyen de s'arranger, et c'est que tu meures. Mylène tire six fois dans la poitrine de Peter, qui s'abat à terre. PETER. - H... MYLENE. - Ah..la légitime défense...j'aime ce terme. CHARLES (qui s'est relevé). - Moi, je préfère celui d'homicide volontaire... MYLENE (surprise). - Charles? CHARLES. - J'avais remarqué que Peter avait subrepticement mis quelque chose dans le whisky, c'est pour cela que je n'ai rien bu. Ah... la vie va me sembler bien longue avec toi en prison jusqu'à la fin de tes jours... MYLENE (pointant son pistolet vers Charles). - Si tu crois que je vais te laisser faire. CHARLES. - Bien sûr que oui. Ton chargeur est vide, ma chère. (Mylène essaie de tirer, mais le chargeur est bien vide.) Et je crains que tu ne sois obligée de mourir. Tu sais trop de choses compromettantes sur moi. (Il sort une dague de sous son pull.) Nous dirons que Peter et toi, vous vous êtes entre-tués. Attention, cette dague a une lame fixe. Charles plante la dague dans le ventre de Mylène, qui agonise un court instant avant de rejoindre le sol. MYLENE. - Umph. CHARLES. - C'était une joie d'avoir vécu cet instant avec toi. MYLENE. - Aarr... PETER (se relevant). - Ha ha ha...c'est dommage pour toi, Charles, mais maintenant que tu as tué ta femme et que tu vas aller en prison, la société va m'appartenir complètement. (Il sort le poignard.) Je n'avais pas totalement confiance en Mylène et je lui avais donné des balles à blanc pour recharger ton arme... CHARLES. - Tu as monté tout ça pour que je tue ma femme et pour mettre la main sur la société!? PETER. - Eh oui, l'appât du gain...j'aime l'argent, j'aime le pouvoir. Et j'ai horreur de devoir partager! MYLENE (s'étant relevée, à la grande surprise de Peter). - Charles avait donc raison, tu voulais uniquement te servir de moi pour arriver à tes fins. Oh, Charles, comme je regrette d'avoir failli te trahir... CHARLES. - Ca n'est rien. (Il sort un autre pistolet de sous son pull) Ses empreintes sont toujours sur la machette, nous allons lui régler son compte. Adieu Peter. Il tire deux coups dans la poitrine de Peter, qui descend à terre. PETER. - Âr MYLENE(ayant sorti un poignard). - Et adieu Charles...(Elle plante son poignard dans le dos de Charles. Le poignard reste planté dans le dos de Charles. Il s'écroule, face en avant.) C'est moi désormais et moi seule qui vais diriger la société. Je n'ai plus aucune entrave... PETER(relevé). - Peut-être m'oublies-tu un peu trop vite? MYLENE (étonnée). - Peter? PETER (avec un rictus cruel). - Heureusement que j'avais pensé à ta perfidie et que j'avais mis un gilet pare-balles. Il écarte les pans de son veston, révélant sa protection. MYLENE. - Et tu vas me faire porter le chapeau pour avoir tué Charles? C'est ça, hein? PETER (sortant une courte sarbacane). - Pas une seconde... Il tire un dard dans le décolleté de Mylène. MYLENE. - H. PETER. - Je préfère que tu meures...cette sarbacane "Ayuras" contenait un dard mortel. Tes muscles vont se figer et ton coeur va se contracter. MYLENE. - Mais...Peter...en souvenir de nous deux...donne-moi l'antidote. Je t'en prie. PETER. - Les souvenirs sont mauvais conseillers et je n'aurai pas d'ennuis avec ce poison...il est indetectable et donne l'apparence d'une crise cardiaque...tu te souviens de Philips, il y a trois mois, c'est comme ça qu'il est mort... CHARLES (se relevant). - Nous savions que c'était toi qui avait tué Philips mais nous n'en avions pas encore la preuve. (Il prend la sarbacane des mains de Philips) Maintenant, la chose est faite...merci Peter. MYLENE. - Quant à moi, je m'étais faite immuniser contre les différents poisons amazoniens. CHARLES. - Sergent Garell, vous avez tout enregistré? SERGENT GARELL (ouvrant le battant du buffet dans lequel il était caché, une caméra à la main, avec un large sourire). - Pas de problème...il aura droit à la peine capitale lors des assises. PETER (après avoir marqué un temps de pause, soufflé.). - Vous alors, vous êtes vraiment des tordus... FIN.